jueves, 25 de marzo de 2010

Un des sept péchés capitaux : la jalousie

Un des sept péchés capitaux : la jalousie
Comme un fil invisible, la jalousie s'insinue chez tous les danseurs autour de la piste et des tables. Péché capital dont personne ne réchappe. Ceux du fond envient ceux du premier rang. Ceux qui sont en couple jalousent ceux qui sont seuls, et ceux quisont seuls ceux qui viennent à deux. Les jeunes envient l'expérience et les plus vieux la fraîcheur, ceux qui travaillent tôt jalousent ceux qui peuvent rester jusqu'à n'importe quelle heure, les chômeurs ceux qui ont un emploi, les étrangers les porteños et les locaux ceux qui viennent voler les filles ou les milongueros. Voici monsieur Le laid, gros et vieux, une déesse assoupie contre lui avec un sourire de plaisir. Quel charme secret possède cet homme? Un beau garçon les regarde.
Comment s'avouer qu'il voudrait être entre les bras de l'homme pour comprendre ce qu'elle ressent? Plus loin, une autre sent peser sur elle le regard envieux d'une amie alors qu'elle se débat dans l'abrazo maladroit d'un prétentieux plus soucieux de briller avec ses figures que de se préoccuper de sa danseuse.
Quant à celle-là, elle est nouvelle et se sait séduisante. Immédiatement convoitée par les meilleurs danseurs, après quelques séries, elle se retrouve le bec dans l'eau, contemplant amèrement la petite grosse agile et sensuelle qui a récupéré ses partenaires à la recherche de partage et d'harmonie.
Assises à une table, un trio de “mal dansées” jalousent les jolies, les jeunes, les bonnes danseuses, celles qui ne font jamais tapisserie! Impitoyables, elles critiquent tout, de l'abrazo jusqu'à la tenue vestimentaire. Les hommes eux-mêmes ne sont pas épargnés. Convaincues que ce sont eux qui ont toutes les prérogatives, elles les observent avec une haine mal dissimulée et se plaignent ensuite qu'ils ne viennent pas les inviter Celle-là paraît inaccessible. Un soir, elle arrive accompagnée et l'élu réveille la jalousie de ses habituels chevaliers servants. “ C'est toujours moi le perdant ” se lamente en silence un prétendant mélancolique. “ Celle-là, je ne la fais plus danser ”se dit un autre, indigné“.
Finalement ce n'était pas impossible, pense un troisième, peut-être qu'ensuite, moi aussi, j'aurai ma chance. ”
Il y a les couples stables, fiancés de longue date ou couples mariés qui suscitent la jalousie et la méchanceté des célibataires et des francs-tireurs. Ils dansent entre eux et avec tout le monde. Sont-ils complices? Lui, est-il un entremetteur et elle une ingénue? se demande-t-on avec curiosité et une certaine perfidie. Et la jalousie? La supportent-il ou en sont-ils dépourvus? Les oiseaux de mauvais augure prophétisent ruptures et autres catastrophes. Pendant ce temps, les couples résistent avec une solidité qui étonne et se donnent le luxe de prodiguer sympathie et camaraderie.
C'est encore la jalousie que ressentent ceux qui ne dansent pas lorsque leurs amis de toujours commencent à fréquenter les milongas. “ J'aimerais bien aller voir ”disent-ils. Mais ils n'ont jamais le temps. La vengeance arrive insidieuse mais inévitable. Ils ne téléphonent plus pour proposer des sorties. Ils ne les invitent plus à leurs fêtes sous prétexte qu'à présent qu'ils dansent ils sont occupés.
En fin de compte, dans les milongas chacun espère passer du statut d'envieux à celui d'envié. Même s'il y a des incurables qui, rageusement, espionnent avec rancœur les trésors du voisin.
D'autres finissent par se rendre compte que la jalousie bien comprise est le premier pas vers l'apprentissage. Et ils font contre mauvaise fortune bon cœur.